Homélie 26 février 2017 – Mt 6,24-34

"Ne vous inquiétez pas..."

Ne vous inquiétez pas…

On peut comprendre mal ce fameux passage de Mt qui parle des petits oiseaux et des petites fleurs, comme si Jésus nous invitait à une insouciance rêveuse. Insouciance : on se moque de tout et vit paresseusement et même égoïstement ; rêveuse : n’a pas les pieds sur la terre… C’était très à la mode dans les années 70 : vous vous souvenez : le mouvement hippie ; les chansons de Michel Fugain… une certaine vision de l’écologie (je dis bien « une certaine vision », car « Laudato Si », c’est bien autre chose…

Vous vous doutez bien que ce n’est pas le chemin sur lequel Jésus veut nous voir avancer !

La vraie question, c’est la question du discernement : juste avant notre Evangile, deux paroles de Jésus attiraient déjà notre attention là-dessus : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. » Et puis : « La lampe du corps, c’est l’œil… » Il s’agit de voir clair : qu'est-ce qui est vraiment important, plus important que tout le reste ? Ou encore : à quoi allons-nous donner la priorité ? (une opération plutôt difficile…) A la fin de notre Evangile Jésus répond très catégoriquement : « Cherchez d’abord le Règne de Dieu et sa justice. » D’abord : c’est là qu’on voit la question du discernement : il y a beaucoup de choses importantes… mais la question de décider ce qui est plus important que tout le reste…

Autrement dit : Qu’est-ce qui vaut la peine qu’on se fasse du souci, qu’on se préoccupe ? C’est un mot qui revient tout le temps dans notre Evangile ; on va le retrouver, en particulier, dans la parabole du semeur : la graine qui tombe dans les épines est étouffée par les soucis du monde et la préoccupation des richesses…

De quoi vais-je m’occuper, en priorité ? Qu’est-ce qui me fait courir ?

Alors, bien sûr, il y a l’argent. De l’argent, il en faut, c’est indéniable. Mais comme dit très justement le dicton : l’argent est un bon serviteur mais un mauvais maitre ! cela me rappelle ce que disait le P. Ceyrac : l’argent, c’est comme l’eau, c’est comme l’air ; il en faut pour vivre. Mais il ne viendrait pas à l’idée de le thésauriser, de l’adorer en quelque sorte, d’en faire une divinité : « vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et « Mammon »… il faut utiliser l’argent sans complexe mais être libre à son égard.

La priorité, la priorité absolue, nous dit Jésus, c’est « le Royaume de Dieu et sa justice » Nous voici revenus aux Béatitudes, dont, au fond, tout le sermon sur la montagne est un commentaire.  Le Royaume de Dieu, c’est tout l’objet de la mission de Jésus. Sa « justice », c’est un mot que nous retrouverons dans l’Evangile du Mercredi des Cendres, extrait aussi du Sermon sur la Montagne : « Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens… »

Qu'est-ce que c’est que cette justice ? Souvent, nous en avons une vision trop étroite (thème de « l’ajustement »…) mais dans la Bible, par exemple en Isaïe ou dans les psaumes, l’idée de la justice est bien plus large, bien plus dynamique, bien plus vivante (« la vérité germera de la terre, quand du ciel se penchera la justice… » La justice de Dieu, c’est beaucoup plus que tout ce qu’on peut imaginer. C’est pourquoi Jésus dit : « Cherches d’abord… et tout le reste vous sera donné par surcroit »

 

Cela me fait penser à 2 Co 9 (une homélie de St Paul pour une collecte de solidarité)

"9:7 Que chacun donne selon ce qu'il a décidé dans son coeur, non d'une manière chagrine ou contrainte; car Dieu aime celui qui donne avec joie. 9:8 Dieu d'ailleurs est assez puissant pour vous combler de toutes sortes de libéralités afin que, possédant toujours et en toute chose tout ce qu'il vous faut, il vous reste du superflu pour toute bonne oeuvre, 9:9 selon qu'il est écrit: Il a fait des largesses, il a donné aux pauvres; sa justice demeure à jamais. 9:10 Celui qui fournit au laboureur la semence et le pain qui le nourrit vous fournira la semence à vous aussi, et en abondance, et il fera croître les fruits de votre justice. 9:11 Enrichis de toutes manières, vous pourrez pratiquer toutes les générosités, lesquelles, par notre entremise, feront monter vers Dieu l'action de grâces."